Histoire de la poire tapée

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Il est vraisemblable qu’il faille chercher l’origine de la Poire Tapée vers la fin du XII° siècle, quand, au retour des croisades, les seigneurs, ruinés par les frais liés à ces expéditions –ils devaient en effet pourvoir aux frais de leur escorte- ont dû vendre à leurs paysans les plus riches le droit de construire des fours, et même d’autres droits comme le droit de pressoir…

Forts de leurs acquis au cours de la croisade, certains paysans ayant effectué le voyage -on sait ce que fait un paysan quand il voyage, il observe ce que font ses collègues et essaie d’en faire autant quand il rentre chez lui- les mettent en pratique et, sous l’influence d’Aliénor d’Aquitaine, développent la culture de la prune, ramenée du siège de Damas au cours de la deuxième croisade, et sa déshydratation qui devient le pruneau de Tours, le plus ancien pruneau de France !

Par la suite ils appliquent ces principes aux fruits locaux, en particulier la poire puis la pomme, c’est ainsi que naissent les daguenelles (ancien nom de la poire tapée qui au fil du temps a changé plusieurs fois de nom). Ce traitement devient LA méthode de conservation des fruits. Elle se généralise sur tout le territoire de la France d’alors, et chaque ferme disposant d’un four pratique cette technique. Dans certains villages l’utilisation domestique du produit devient commerciale. C’est déjà un produit de prestige puisque en 1312 les notables de Reims offrent au roi Louis X, à l’occasion de son couronnement, des Poires de Rousselet sèches (forme rémoise de notre actuelle Poire Tapée).

Dans la première moitié du XVI° siècle, Rabelais, dans un de ses romans en fait manger à Gargantua. Au cours de ce siècle, le développement de la batellerie ligérienne fait descendre les fruits séchés vers l’embouchure du fleuve royal et ainsi leur permet de voyager à travers le monde en embarquant sur les vaisseaux qui font escale à Nantes.

Dans la seconde moitié du XVII° siècle Colbert dote le France d’une grande flotte de guerre et de commerce. Sous son impulsion la Pomme Tapée se développe en Anjou pour être servie aux hommes d’équipage. C’est seulement à la fin du XVIII° siècle que Beaumarchais cite dans sa correspondance « la technique particulière des Poires dites Tapées » du village de Rivarennes où il séjourne en exil intérieur à la suite de déboires judiciaires.

 

 

Au XIX° siècle, la commercialisation de ces fruits, Poires Tapées, Pommes Tapées et Pruneaux de Tours s’intensifie et atteint son apogée au point de devenir le principal revenu des fermes des environs. On estime qu’à cette époque la production locale de Poires Tapées à Rivarennes se situe à plus de 150 tonnes de fruits séchés par an, le village ne comptant que 750 habitants, cela signifie que tous travaillaient à cette production qui ne durait que quatre à cinq mois ! Les rues de Paris voient apparaître un nouveau « petit » métier, celui de vendeuse de Poires cuites, poires fraîches pendant la saison, mais Poires Tapées le reste du temps.

 

Après la première guerre mondiale, l’arrivée sur les marchés des fruits secs américains, de nouvelles variétés de fruits plus précoces, de l’électricité dans les campagnes qui permet l’installation des chambres froides et le développement des transports frigorifiques océaniques qui amènent sur les tables les fruits exotiques comme les bananes et les ananas vont entrainer le déclin de la production de Poires Tapées. Le manque de main d’œuvre pour assurer la relève devant les fours -nombreux sont les hommes qui ne sont pas revenus du front entre 1914 et 1918- va précipiter la chute pour voir, en 1932, l’arrêt brutal et la dernière facture commerciale connue à Rivarennes. La technique des grands fours sombre dans l’oubli. Il continue cependant de se faire des Poires Tapées dans les fours des cuisinières, mais pour un usage domestique, la commercialisation est arrêtée.

Il faudra attendre 1987 pour voir renaitre la Poire Tapée des grands fours par l’intermédiaire d’un petit groupe de randonneurs, mais là, commence une autre histoire…